De la citation à l'émotion
De la citation à l'émotion

C’est au hasard d'un brushing qu’Amy fut mise devant l’évidence. Son fiancé — enfin son ex-fiancé — se mariait le lendemain. Incompréhensible, car ils avaient annulé la cérémonie d'un commun accord il y a huit semaines ! C’était pourtant ce qu'attestait ce faire-part qu’elle tenait entre ses doigts.
Ce salop avait tout conservé : leur salle, leur traiteur leur faire-part. Enfin tout, sauf elle, l'ex-mariée.
Vingt-quatre heures plus tard, tout était clair. Elle l'aimait, elle l'avait toujours aimé. Son grand jour était arrivé. Elle allait mettre sa robe et s'unir à lui pour la vie !
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Format 5"x8" (127 mm x 203 mm)
103 pages
ISBN: 9 791 095 610 144
L’inquiétude de Kémi crût en découvrant le quartier. Était-ce vraiment dans cet endroit désolé que se trouvait le meilleur salon de coiffure de Dakar ? Son regard erra d’une pile d’ordures entassées aux façades abîmées et hétéroclites des habitations. Le taxi se rabattit sur un trottoir ensablé et elle en descendit à contrecœur. Impossible que ce salon fût le seul de tout Liberté ! Le chauffeur lui-même avait confirmé que six quartiers se nommaient ainsi. Il pouvait donc se trouver ailleurs ! Elle s’agaça. Elle n’avait pas vraiment prêté attention quand sa patronne Rokhaya lui avait donné l’adresse. Encore moins lorsqu’elle l’avait à son tour communiquée au conducteur. Pour elle, Liberté 3 était aussi proche de Liberté 4 que le chiffre trois l’était du quatre. Pourtant, les voilà plantés là, plus d’une heure après son rendez-vous. À
LIRE PLUSce rythme, son sens de la désorientation couplé à sa mémoire désastreuse enrichirait tous les taxis de Dakar. Elle tendit un billet de deux mille francs par la vitre et patienta. Le chauffeur redémarra sans plus de formalités. Elle frappa sur la carrosserie pour le retenir. Elle se pencha à la porte avant du passager. C’était mille francs de plus que ce dont ils avaient convenu ! L’homme tempêta et enchaîna une telle volée de mots qu’elle en fut statufiée. Son visage s’était durci et il argumentait à grands gestes. Mais sur quel propos ? Elle plissa les yeux pour se concentrer. Peine perdue : sa compréhension rudimentaire du wolof1 la pénalisait. Quand les sons arrivaient à ses oreilles, elle avait l’impression de se trouver devant une chaîne cryptée du câble. Où passaient les voyelles dans leur jargon ? Elle calcula mentalement l’argent qui lui restait. Elle allait devoir négocier serré pour le trajet du retour. La voyant hésitante, le taxi redémarra et disparut dans un nuage de poussière. Comme tout le quartier, la devanture du bâtiment n’avait pas été épargnée. Plusieurs trous malicieusement disposés dans le mur d’enceinte avaient transformé l’enseigne « Daba coiffure » en « Dibi coiffure ». Circonspecte, Kémi fixa le panneau. Le dibi était une savoureuse grillade de morceaux de viande (bœuf ou mouton) agrémentés d’oignons et de poivrons. Si cette Daba la coiffait façon dibi, autant ne pas se risquer à entrer. Sur la porte vitrée, elle nota dans son reflet le pli hélas familier au niveau de ses sourcils. Elle se força à adopter une mine neutre : hors de question qu’elle soit immortalisée le jour J avec cet air renfrogné ! Elle soupira. Demain arriverait bien assez tôt. Aujourd’hui était la veille de son mariage et elle ne pouvait basculer dans l’hystérie.
REGROUPERTrès bel ouvrage. L'auteur a su nous garder en halène jusqu'au bout. J'ai pris beaucoup de plaisir à le lire et le relire même.